Parité et cantonales : le CG de Vendée ne donnera pas l'exemple!

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Cantonales : où sont les femmes ? se demandait Eric Nunès dans une tribune parue dans Le Monde du 21/02/2011. Une chose est sûre, ce n'est pas leur présence au conseil général de Vendée qui nous fera passer de l'égalité formelle à l'égalité réelle : 5 femmes sur 31 élus y siégeaient avant le scrutin des 20 et 27 mars, 5 femmes sur 31 élus continueront à y siéger.

 Un scrutin sûrement trop sérieux pour laisser place à des candidates qu'il vaut mieux voir "sous la diligence" comme la représentante de l'observatoire de la parité le dit dans le film d'Amalric La chose publique ou bien encore là où ce n'est pas "gagnable". Tous les partis politiques doivent tirer les conséquences de ce chiffre  qui parle de lui-même :sur les 2026 élus aux cantonales, 280 sont des femmes (13,8%).  

 

 

Cantonales : où sont les femmes ? par Eric Nunès

 

"Les hommes n'aiment pas abandonner les lieux de pouvoir", constate Marie-Françoise Pérol-Dumont, présidente socialiste du département de la Haute-Vienne, l'une des rares femmes à détenir un tel mandat en France. En effet, les conseils généraux, dont les élus seront partiellement renouvelés lors des élections cantonales des 20 et 27 mars, font partie de ces lieux où la gent masculine protège son entre-soi.

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La loi du 6 juin 2000 sur la parité en politique a cependant amorcé une féminisation des assemblées. L'Assemblée nationale compte aujourd'hui 112 femmes sur 577 députés, soit près de 19 % des élus. Le Sénat fait un peu mieux avec 22 % de femmes sur 343 sénateurs. Mais sur les 101 conseils généraux que compte la France, seulement 6 sont présidés par une femme.

87 % D'HOMMES DANS LES CONSEILS GÉNÉRAUX

Si les présidences départementales sont accaparées par les hommes, c'est qu'elles sont souvent le reflet de leurs assemblées, constituées à plus de 87 % par le genre masculin, selon l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes (OPFH). En 2011, certains conseils généraux sont encore exclusivement masculins. Ainsi, le département du Tarn-et-Garonne, présidé par l'ancien ministre Jean-Michel Baylet (PRG), ne compte aucune femme parmi ses trente élus. Aucune femme non plus aux côtés des 22 conseillers généraux de l'Ariège, présidé par le socialiste Augustin Bonrepaux.

Beaucoup d'autres départements, dotés d'exécutifs de droite, de gauche ou du centre, ne font guère mieux : les départements du Haut-Rhin, présidé par Charles Buttner (UMP) ; des Vosges, présidé par l'ancien président du Sénat Christian Poncelet (UMP) ; de l'Orne, présidé par Alain Lambert, ancien ministre du budget (UMP) ; de l'Indre, présidé par Louis Pinton (UMP) ; de la Haute-Savoie, présidée par Christian Monteil (DVD) ; et du Gers, présidé par le socialiste Philippe Martin, ne comptent qu'une femme dans leur conseil.

La loi du 26 février 2008 était censée "renforcer la parité au sein des conseils généraux". Le texte a institué un(e) suppléant(e) de sexe opposé aux candidat(e)s aux élections cantonales. En cas de décès ou de démission, le suppléant ou la suppléante remplace le titulaire sans élection partielle. Une manière de forcer une féminisation au compte-gouttes des conseils généraux. "Un artifice", juge Josette Durrieu, présidente PS du conseil général des Hautes-Pyrénées. "On fait semblant de jouer le jeu de la parité, mais on ne laisse monter les femmes que pour des fonctions de doublure", regrette la sénatrice. Une analyse recoupée par les calculs de l'OPFH : "Le dispositif a visiblement conduit à reléguer les femmes aux fonctions de suppléantes, puisque 79,1 % des titulaires investis furent des hommes en 2008."

"LES HOMMES NE SE POSENT JAMAIS CE GENRE DE QUESTIONS"

Le mandat de conseiller général ne se gagne pas sans "aller au charbon", explique une élue. Les élections cantonales sont un scrutin uninominal à deux tours, et les enjeux rattachés à ce mandat sont locaux. Les candidats se doivent donc de tisser un réseau qui les ancrera sur le territoire. "Ce type de scrutin les oblige à se frotter avec le terrain, aux électeurs", témoigne Claude Roiron, présidente PS du conseil général d'Indre-et-Loire. "Il est souvent plus simple d'être un homme pour s'investir dans cette course locale", poursuit-elle. "Un conseiller général ne touche qu'entre 1 500 et 2 500 euros d'indemnités, il n'a pas de retraite, il doit donc souvent conserver une activité à temps partiel en parallèle ou cumuler un autre mandat. A cela, les femmes doivent souvent ajouter la charge de l'éducation de leurs enfants, celle de leur foyer. Elles doivent y ajouter une vie militante, une vie politique souvent active le dimanche. Et enfin il faut trouver un compagnon qui l'accepte... C'est chronophage."

"Nous avons longtemps été un peu inhibées dans nos ambitions politiques", estime Josette Durrieu. Beaucoup d'entre nous ont pensé que le simple fait d'être une femme pouvait nous faire courir un risque dans le gain du mandat pour lequel nous postulions. Les hommes ne se posent jamais ce genre de questions", estime la présidente.

UN UNIVERS "MACHISTE"

Les conseils généraux conservent "une image de notabilité avec un scrutin de territoire qui s'appuie sur des élus locaux, souvent ruraux", explique Claude Roiron. "Nous sommes dans un univers machiste et misogyne où il n'est pas encore accepté qu'une femme puisse détenir le pouvoir", poursuit-elle. Le principe de parité hors d'une obligation législative ou réglementaire ne s'impose pas pour de nombreux décideurs politiques ."Il faut donc contraindre par la loi et imposer aux partis qui ne jouent pas le jeu des pénalités financières plus dissuasives", estime Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Néanmoins, la riposte que prévoit la présidente socialiste du département de la Haute-Vienne ne fait pas l'unanimité chez ses consœurs. Si la plupart des femmes politiques reconnaissent l'impact positif de la loi pour la parité dans la féminisation du personnel politique, un renforcement d'une politique coercitive ne fait pas consensus. "Est-ce que la loi sur la parité fait monter les meilleures d'entre nous ? Je ne le crois pas", tranche Josette Durrieu. Les Britanniques, les Scandinaves ont de longue date imposé la parité dans leurs systèmes électifs. Cependant, au sein des assemblées européennes, ces élues, on ne les entend pas..."

 

La socialiste Claude Roiron, élue le 20 mars 2008 à la présidence du conseil général d'Indre-et-Loire, qui a basculé à gauche aux cantonales.

La socialiste Claude Roiron, élue le 20 mars 2008 à la présidence du conseil général d'Indre-et-Loire, qui a basculé à gauche aux cantonales.AFP/JEAN-PIERRE MULLER

 

"Les pénalités financières pèsent surtout sur les petits partis sans grands moyens, alors que l'UMP et le PS paieront les amendes comme ils l'entendront", avertit Hermeline Malherbe, récemment élue présidente du conseil général des Pyrénées-Orientales (DVG).

Enfin, malgré une réglementation plus stricte concernant le respect de la parité, les circonvolutions pour échapper à l'esprit de la loi ne manquent pas. "Les conséquences de la loi sur la parité sont que les femmes sont choisies pour remplir les cases vides des circonscriptions, des cantons que l'ont croit perdus d'avance", témoigne Josette Durrieu. "L'objectif est de remplir les quotas, d'éviter au parti de payer des amendes, mais pas de favoriser la féminisation de l'exécutif politique."

Quant aux conseils des régions, si la loi impose la parité pour les élections régionales via un système de liste (hommes et femmes en alternance), "combien de femmes sont présidentes de région ?", questionne une élue. Réponse : deux. Ségolène Royal en Poitou-Charentes et Marie-Guite Dufay (PS) en Franche-Comté. Sur 22 régions.

"Longtemps, aux législatives comme aux cantonales, on a présenté des femmes dans les bastions de la droite, là où le profil sociologique de la population nous donnait perdantes", raconte Marie-Françoise Pérol-Dumont. "Eh bien, certaines ont fini par gagner", conclut-elle, malicieuse.

Eric Nunès

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